Je viens de l’aube de l’univers ;
D’où a surgi toute matière.
Je viens du fond des océans ;
Où ne pénètre aucune lumière.
Plus léger qu’un rêve d’éther ;
Issu d’une éternité éphémère ;
En perpétuel recommencement ;
Je suis la mémoire du temps.
Même si je voulais disparaître ;
Je suis condamné à renaître.
La fin est mon commencement ;
Je suis la mémoire du temps.
Là où se croisent les parallèles ;
J’irai, tel un papillon arrogant ;
À l’infini, déployer mes ailes.
Je suis la mémoire du temps.

Je ne suis pas sûr que ces poèmes soient de moi.
J’ai plus la sensation qu’ils m’ont traversé.
Et que je n’ai été… que leur réceptacle éphémère,
Le temps d’une fulgurance, d’un éclair.
D’où venaient-ils ?
Je ne saurais dire.
Où iront ils ensuite ?
Où bon leur semblera.
Ils sont un peu comme les neutrinos,
Ces particules cosmiques que rien n’arrête,
Qui, l’air de rien, traversent la Terre.
Poursuivant leur chemin dans l’univers.
Me traversant, ils m’ont imperceptiblement changé.
Ce qui fait que je ne saurais dire,
Si ces poèmes sont de moi,
Ou si c’est moi qui suis d’eux.

Un grain de sable, une étincelle, une goutte d’eau, un fil.
Et la vie bascule, s’en va, bifurque ou revient.
Toujours pressés, stressés, en mouvement, et si fragiles.
Rien n’est plus précieux ici que nos liens.

Quand on dit, sans y penser, « je sors prendre l’air » ;
En fait, on sort plutôt pour prendre la lumière.
Elles ne sont pas si étanches nos demeures ;
C’est la lumière qui manque à notre bonheur.

Cette nuit, j’ai rêvé d’un autre moi, meilleur.
À peine différent, changé de l’intérieur.
Écoutant plus, attentif, il ouvrait son cœur.
Et ça, rien que ça, rendait le monde meilleur.

Te souviens-tu de la montagne cet été ?
La lumière était belle, et ça nous suffisait.
L’eau était fraîche et claire, et ça nous suffisait.
Au loin, on entendait les glaciers gronder.
On ne savait pas si on devait s’en inquiéter.
Soudain, un bruit sourd, un bloc qui se détachait.
Vite, trop vite, la montagne changeait,
Et nous en étions les témoins sidérés.
Mais il nous fallait partir, à regrets.
Je ne sais pas si un jour nous y reviendrons.
J’espère bien que nous le pourrons.
Mais est-ce que nous la reconnaîtrons ?

À travers les vitres crasseuses,
D’un vieil Intercité aux sièges défoncés,
Une invitation au voyage, une invitation à rêver.
Au loin, une ligne de crête, au delà, des horizons à explorer.
Des souvenirs qui remontent, mais les ai-je seulement rêvés ?
Je voudrais descendre du train, pour finir à pied.
J’ai envie d’user mes chaussures sur les rochers,
De sentir sur mon visage le souffle de l’air frais,
Rien n’est plus urgent, ici la lumière est belle à en crever.

Plus encore que l’or ou le diamant,
La joie est un trésor inestimable.
Elle est un sursaut, un jaillissement,
Surgissant aux moments improbables.
Nul ne devrait jamais s’en excuser,
Quand bien même les convenances l’exigeraient.
Car plus qu’un héritage à préserver,
Elle est l’étincelle de notre humanité.
Mais ce trésor, si précieux soit-il,
Si puissant et pourtant si fragile,
A la fois éphémère et indestructible,
Reste à tant de nous un rêve inaccessible.

Je n’ai guère de talent pour décrire la laideur,
Et ne trouve pas les mots pour parler de l’horreur,
Je suis ici pour célébrer la beauté du monde,
Mais, où que porte mon regard, elle s’estompe.
J’ai beau savoir que le silence n’est pas une réponse.
La fureur, la haine et la souffrance me laissent sans voix.
Creusant un vide au plus profond de moi,
Elles ouvrent une abîme en laquelle tout sombre.
Je sais bien que l’indifférence serait le pire des refuges,
Alors je me surprends à attendre le déluge.
Car si nous n’avons pour éteindre le feu que nos larmes,
Je voudrais qu’en trombes, elles couvrent le bruit des armes.
Je voudrais qu’elles emportent slogans et bannières,
Comblant tunnels et tranchées, effaçant les frontières.
Et qu’enfin, après avoir lavé le cœur des hommes les plus vils,
Elles se mêlent aux cendres du vieux monde, en un limon fertile.

Je ne sais pas si j’ai dormi,
Je ne me souviens pas d’avoir rêvé.
Le temps a passé,
C’est tout ce que je sais.
Les heures, les minutes, j’aurais pu les égrener.
Ce matin, comme tant d’autres,
Avant que le réveil n’ai sonné.
Ce matin, comme tant d’autres,
Je me suis levé fatigué.
